Le Grateful Dead est un groupe californien qui a accompagné le mouvement hippie.Ce disque peut être rangé dans la musique planante; ( type Pink Floyd ).

En fait ce concert enregistré est une suite ininterrompue de morceaux présentant de longues plages d'improvisations.Le groupe est emporté par la guitare solo très mélodieuse et très aérienne de Jerry Garcia.Je n'ai jamais entendu ailleurs des solos aussi inspirés d'une telle longueur.C'est aussi riche que dix préludes de Bach mis bouts à bouts.

Mais la prouesse ne se limite pas au soliste.La complicité musicale est extraordinaire. Le guitariste rythmique a des interventions à la fois swingantes et surprenantes car très diverses.Le bassiste est un mélodiste incroyable. L'orgue développe des lignes entrelacées qui contribuent au foisonnement général. Quand au deux batteurs il fournissent une pulsion souple et dense à la fois. Le son est rock ,l'harmonie est blues, mais l'esprit est jazz en raison de ces improvisations très longues.

Le climat planant est incontestable ( Dark Star, le premier titre, a partagé avec un titre de Pink Floyd, la bande son du film d'Antonioni: Zabriskie Point ). Mais l'écoute ne requiert pas une défonce particulière. Au contraire elle développe chez moi une attention de tous les instants. Ce n'est pas évident de connaître par coeur 70 minutes de musique, j'ai dû écouter ce disque plus de cent fois et pourtant je suis toujours surpris et enchanté.

La sensation dépasse de loin les considérations affectives ou nostalgiques que je porte sur le mouvement hippie. Je ne crois qu'il soit nécéssaire d'avoir fréquenté la rive gauche pour apprécier Boris Vian, pas plus qu'il soit nécessaire d'être un crypto-baba repenti pour goûter à ce disque. Il suffit d'ouvrir ses oreilles, de ne pas attendre une musique ni trop standart , ni trop speed. J'ai déjà eu l'occasion d'insister au près de plusieurs copains dubitatifs pour qu'ils donnent une deuxième chance à ce disque, avec des résultats très convaincants.

Ce disque est aussi lié à des dimanches après-midi qui ont marqué ma vie. Après le divorce de mes parents je passais un week-end sur deux chez mon père qui avait conservé notre appart au dernier étage dans le quartier de la goutte d'or à Paris.Rituellement les après-midi se ponctuaient par quelques parties d'échecs accompagnées de musique.

Mon père avait un électrophone stéréo ce qui était encore rare en1970.

La salle à manger était très éclairée, je la revois toujours ensoleillée.Le" live-Dead" convenait parfaitement aux méditations de ces parties d'échecs lumineuses, même si nous n'étions pas toujours d'accord sur le volume sonore adéquat.

Je garde enfin une émotion intacte du concert du Dead à l'Olympia en 1972. La musique avait évolué par rapport au "Live-Dead" de 1970, notamment grâce à l'apport d'un pianiste et d'une choriste. Quelle générosité dans la prestation: deux heures du répertoire récent, une entracte puis une heure planante rappelant "Dark star" et pour réveiller, une heure de vieux rock. Le foisonnement musical était encore merveilleux ( le disque europe 72 retrace cette tournée), cependant le summum du son du Dead est dans le "Live-Dead".

Si vous aimez l'air, les nuages moutonneux, les oiseaux dans la futaie, écoutez ce disque, abus non dangereux. Si vous aimez les clubs enfumés, le bourbon, la guinness, le beaujolais, écoutez ce disque , il est pour vous, inutile d'acheter de l'herbe.